fenetres

Lorsque je me retrouve devant une toile, je suis consciente des artistes qui m’ont précédée et je songe à ceux qui suivront. En tant qu' individu, comme tout être, la durée de mon existence se limite à quelques décénies, alors que la culture humaine, elle, perdure à travers le temps.

La première chose que nous faisons comme enfant lorsqu’on nous tend un crayon, c’est dessiner. Il s’agit là de la manière la plus naturelle de formuler son intention et de la communiquer sans devoir être présent physiquement. Tout langage provient d’images latentes en pensée. Le langage évolue au même titre que la culture, alors que de nouveaux concepts exigent de nouvelles significations pour décrire une réalité ontologique. L’encodage informatique a comprimé ce processus et a modifié toute notre existence. Le code ne distingue pas l’abstrait de la représentation. Cela me fait réfléchir à une époque où le langage ne catégorisait pas encore la connaissance, à une époque où l’art, la science et la philosophie ne faisaient qu’un. Graduellement, la technologie informatique a érodé les lignes qui séparent ces disciplines. Là où le sens est transmis sans mot, la créativité a libre cours aux images et toute connaissance est accessible.

Les fenêtres dans l’eau est constituée d’une sélection de peintures d’une rivière. À mes yeux, cette rivière issue de mon passé représente un lien tissé dans l’étoffe de l’expérience de ma vie. Elle coulait dans la ville où j’ai vu le jour. Je l’ai vu changer au fil des saisons depuis le pont sur le chemin qui me menait à l’école. En hiver, elle disparaissant sous une couche épaisse de neige; très tôt, au printemps, des morceaux de glace menaçants plongeaient depuis le barrage hydroélectrique. Alors que la rivière traversait ma ville, elle était, par endroit, peu profonde comme un ruisseau; ailleurs, elle semblait large et profonde. Dans les parties les plus profondes de la berge, je me rappelle les plantes aquatiques longues qui flottaient à l’horizontale et qui rendaient compte de chaque mouvement, de chaque vague. Combinées à la réflexion du ciel, elles suscitaient une myriade de sensations et d’événements comme ceux qui se manifestent à tout moment de la vie.

Ces peintures sont des configurations de lignes sur un fond coloré complémentaire. Sur la surface de la toile, j’ai rendu les courants, de petits jets circulaires qui ressemblent à des tourbillons, en plus d’autres formes qui décrivent un mouvement plus étendu. De petites touches de peinture qui s’emboîtent expriment les parallèles de courants divergents alors qu’ils se déplacent dans le courant contrastant. À cet égard, ma technique me donne toute la latitude en ce qui a trait à la manipulation de la couleur tout en conservant la signification. Mon œuvre porte sur les métaphores. Elle est ontologique à cette époque où la perception humaine est encodée afin d’être observée en parallèle à ce qui semble être le monde réel. La rivière est ni plus ni moins qu’un modèle qui rend compte de mon existence physique. Mon sens de la conscience intérieure et extérieure peut être communiqué dans un monde tangible par l’entremise de la peinture.

 

prelude

Prélude, 2013
acrylique sur toile
160 X 200 cm

vitraux

Vitraux, 2012
acrylique sur canevas
160 X 200 cm

À la lumière de la communication de la connaissance par l’entremise des codes mis en réseau et de la nouvelle proximité des continents, j’ai commencé à réfléchir à l’existence du sens dans la réalité et à ce qu’il est devenu. L’existence binaire, à la fois virtuelle et matérielle, a fait en sorte que nous avons une portée individuelle au-delà de la réalité. Par conséquent, notre culture connaît mieux la forme imaginale qu’auparavant. Le vocabulaire de l’abstraction et la figuration interagissent.

Je suis fascinée par la nature et la science, car elles se fondent à la perception humaine. Nous avons vécu, essayé, inventé et conçu tellement de choses que nous rêvons désormais de créer une intelligence avec ontologie, car nous souhaitons comprendre ce que notre esprit voit et comprend. Je pense souvent aux fractales et à leur première représentation; toutefois, elles existaient bien avant qu’on puisse les voir. Elles n’étaient que des fonctions théoriques qui mettaient toutes les formes possibles dans un algorithme. Dans le monde naturel, cette relation s’est développée au fil du temps en partie en raison de l’autostimulation, une sorte de répétition des formes des plantes et des animaux – de même que chez nous. À la fin des années 1970, Un mathématicien (Benoît Mandelbrot) a programmé un algorithme pour fractales dans un ordinateur. La restitution a tracé des images qui ressemblaient à des spirales biologiques colorées qui se déroulaient à l’infini, la somme de toutes les formes possibles et peut-être une explication de notre capacité à reconnaître des formes dans les nuages ou des ressemblances entre diverses plantes et d’autres formes de vie.